Le 14 Janvier 1925 dans un salon particulier de l’hôtel international de Kunming dans la province du Yunnan au sud ouest de la Chine, un petit homme sec en costume gris reçu dans le plus grand secret la visite du docteur Sun Yat-sen président de la république Chinoise. Le lendemain 15 Janvier dans le même salon, et toujours aussi discrètement, il recevait Mao Zedong cofondateur du parti communiste.
Ce petit homme gris et sans saveur s’appelait Yun San-Tse. Le général Yun San-Tse. Il était un infime et obscur seigneur de guerre qui régnait avec brutalité sur une minuscule bande de terre dans le Sud du Yunnan à cheval sur deux frontières : Celle de la Birmanie et du Laos.
Qu’avait il donc de si important à proposer aux deux hommes pour qu’ils prennent le risque et le temps de répondre favorablement à son invitation ?
Yun San-Tse n’était pas un grand général même s’il était diplômé de l’école militaire de West Point, ni même un bon politique mais c’était un rusé. Et il avait bien compris que l’alliance entre le Guomindang et le PC finirait inexorablement par une campagne militaire destinée à éradiquer le pouvoir des seigneurs de la guerre. A terme les Zhang Zuolin, Wu Peifu et Sun Chuanfang, les plus importants des seigneurs, finiraient collé à un poteau de bois face à douze hommes armés. Avant tout le monde, peut être même avant le docteur et le grand timonier, il avait comprit que son temps était fini. Que lui aussi, s’il s’obstinait à jouer à la guerre, il se retrouverait un jour en face à face avec un peloton.
Et si la mort des autres ne l’embarrassait absolument pas, il n’envisageait la sienne que tardive et paisible. Aussi décida t-il de vendre sa vie aux deux hommes.
« Une fois que vous aurez vaincu les seigneurs de la guerre qui divisent le pays » déclara t-il aux deux hommes, « Viendra le temps où les alliés d’un jour deviendront les ennemis à abattre. C’est la loi du pouvoir et de l’histoire : vous le savez, je le sais et ils le savent. Et cette guerre sera sans doute plus longue, plus sanglante et plus coûteuse que celle que vous aurez menée ensemble. Vous aurez besoin d’argent, d’armes, de munitions. Je vous propose de vous fournir les trois gratuitement. En échange je vous demande d’oublier mon domaine, d’oublier mon nom et de me laisser mener mes affaires à ma guise »
Sun et Mao acceptèrent la proposition.
En Juillet 1926 quand fut lancé « l’Expédition du Nord » qui vit la fin des seigneurs de guerre, le domaine du général Yun San-Tse fut miraculeusement épargné par les armées Chinoise.
Le 1 Janvier 1927 la cité du jeu de « Ouang Schock » était inaugurée en grandes pompes par monsieur Yun San-Tse, président directeur général de la « Ouang Schock compagnie ». Six casinos, douze hôtels, deux champs de courses, un stade et de la lumière à ne plus savoir qu’en faire.
Ce que le monde comptait de célébrités avait été invité : des acteurs, des comédiennes, des chanteurs, des cantatrices, des sportifs, des mondaines, des princes, des princesses, des hommes politiques… plus tous ceux qui n’avaient pas été invité mais qui étaient là. Les Lucchesi de Bastia, les Andolfi de Naples, Les Caterogni de New York, madame Fuy de la Lanterne d’Or… le gratin du jeu à grande échelle.
Yun San-Tse tint parole. L’argent commença à couler à flot dans les caisses du Guomindang et du PC. Puis, au fur et à mesure des hasards de la guerre, il se fit plus rare pour les premiers et plus importants pour les seconds.
Aujourd’hui monsieur Yun San-Tse est mort mais Ouang Schock existe toujours. C’est devenu une grande ville maintenant. Vingt sept millions d’habitants, huit mille six cent douze tables de poker, vingt deux milles quatre cent vingt sept pistes de craps, deux cent dix sept milles machines à sous, trente sept chaînes de télévision, vingt sept mille prostitués fichées, douze milles six cent seize boites de streep-tease et trente millions de touristes par an, avec un chiffre d’affaires de… voila le genre de chose qu’il ne vaut mieux pas chercher à savoir. La Ouang Schock compagnie veille jalousement sur ses petits secrets.
Au fait, savez-vous pourquoi la ville s’appelle Ouang Schock ?
C’est à cause du séjour de monsieur Yun San-Tse à West point. Quand il en est revenu il n’avait retenu qu’une chose et il le répétait à tout bout de champ avec son accent Chinois : « You just need Ouang Schock (One shot) to solve a problem »